Macron a perdu, on n’a pas encore gagné

France :

»Macron a perdu, on n’a pas encore gagné»

(Olivier Besancenot, le 6 avril, sur la chaine BFM)

[Note 15/4/2023:

Le conseil constitutionnel a renforcé le 14 avril la provocation que constitue pour les travailleurs et la population la loi adoptée sans vote des députés pour allonger la durée du travail de 62 à 64 ans. Alors que même des constitutionnalistes «modérés» dénonçaient une procédure baclée et comportant des éléments erronés, la double décision du Conseil constitutionnel de valider une telle loi et de refuser l’initiative de referendum demandée par la gauche sert surtout de révélateur : ce Conseil de 9 membres ne comporte aucun expert en la matière, seulement des politiciens du système comme l’ancien 1er ministre Juppé (condamné par la justice…) ou des requins de la finance comme un haut cadre de l’assurance privée ! Leur rôle ne consiste en réalité qu’à défendre la constitution et les institutions du régime fondé par de Gaulle sur un coup d’Etat… On peut donc espérer que la trés grosse provocation que représente cette décision, ainsi que la promulgation immédiate de la loi par Macron vont renforcer la mobilisation! En tout cas, la réponse immédiate de l’Intersyndicale à Macron, qui croyait pouvoir diviser en invitant les syndicats à venir désormais discuter avec lui, a été un refus immédiat de cette manoeuvre qualifiée de grossière, un refus de toute rencontre avec le pouvoir exécutif et un appel unanime à un 1er mai de lutte unitaire. En cette mi-avril, le combat continue !]

Christos Ionas, 11/4/2023

[Magazine «4», No 10 –Το ίδιο στα ελληνικά]

En ce début avril, il reste difficile de savoir si le gouvernement de Macron va enfin devenir raisonnable et retirer, comme le lui demandent depuis plus de deux mois et demi 70% des Français et 95% des salariés, une mesure d’allongement des années de travail qui a été surtout l’occasion de vérifier que le projet politique de Macron est devenu totalement minoritaire et que l’unité syndicale sur une revendication précise (»64 ans, c’est NON!») est une clé pour la réussite des mobilisations, malgré les limites actuelles du mouvement.

La »bulle Macron» s’est dégonflée

On s’en souvient : en 2017, Macron avait été élu président en mettant en avant un projet politique qu’il qualifiait »et de gauche et de droite». Si le bluff de ce haut cadre de la banque avait pu fonctionner au départ, sa volonté d’imposer, à peine réélu en 2022, un allongement de 2 ans de la durée de travail, avec la retraite portée à 64 ans, a immédiatement été comprise pour ce qu’elle est : un projet clairement de droite, reposant sur des mensonges très vite démontrés par des experts économiques. Ainsi, quand Macron claironne que sa »réforme» est indispensable pour sauver le système des retraites, experts et syndicats démontrent le contraire, le court déficit à terme ne mettant absolument pas en danger le système. Plus important peut-être : le rejet massif de l’argument dit »de bon sens» comme quoi puisqu’on vit plus vieux, il faut travailler plus longtemps. Le sentiment majoritaire est qu’au contraire, si progrès il y a, permettant de vivre plus longtemps, ce progrès doit se retrouver dans les conditions de vie, de travail et de retraite, comme cela s’était passé en 1981 avec la retraite portée de 65 à 60 ans! De plus, le patronat ayant comme pratique commune de licencier ses vieux travailleurs, beaucoup de gens ont bien compris qu’allonger le départ à la retraite de 62 à 64 ans signifierait 2 années de chômage de plus. Et plus encore, l’accumulation de l’expérience aidant, tout le monde a bien compris que le projet de Macron et du patronat est sur le fond de poursuivre la casse des retraites par répartition; le projet d’imposer des fonds de pension avec retraite par capitalisation reste la clé des attaques contre les acquis ouvriers sur la protection sociale.

Et ce qui apparaît désormais à beaucoup de gens, c’est que quand Macron, réélu par défaut pour empêcher Marine Le Pen de devenir présidente de la république, prétend que les Français ont voté pour »sa» réforme des retraites, Macron, se voulant le Thatcher français, tente en réalité avec son second quinquennat de passer en force pour casser ou finir de casser la plupart des acquis du mouvement ouvrier : attaques contre les retraites, contre l’école publique avec tentatives d’imposer un salaire »au mérite», contre l’hôpital public avec un manque de postes qui n’a rien à envier à la situation grecque, contre les droits démocratiques, avec en particulier un maccarthysme anti-syndical… Pour une grande partie des manifestant-e-s et aussi des 70% de Français appuyant les mobilisations, surnommer Macron le »président des riches», pour ne pas dire des patrons ultra-riches comme Bernard Arnault (dans les 3 premières fortunes mondiales) ou Bettencourt (patronne la plus riche du monde), ça ne signifie plus seulement faire des cadeaux au patronat, ça veut dire aller bien plus loin que Sarkozy et Hollande dans l’attaque frontale contre le monde du travail, Macron et son petit monde étant assez proches dans leur projet du Napoléon III décrit par Marx!

Incompétences et répression

Un des aspects les plus graves pour Macron et ses soutiens, c’est que la bataille sur les retraites a fait s’effondrer le mythe d’un personnel politique macronien de technocrates compétents, qui plus est habiles à communiquer. Ainsi, la »réforme» a-t-elle été présentée comme permettant à tous les futurs retraités de bénéficier d’une pension minimum de 1200 euros. Le ministre du travail, Dussopt, cadre intermédiaire du Parti Socialiste passé au macronisme et soit disant »aile gauche» du macronisme, était chargé de présenter la réforme : face à la démonstration d’un économiste sur le mensonge des 1200 euros minimum pour tous, il a très vite bredouillé et la vérité a été largement connue : ce ne sont que 10 à 20 000 des dizaines de milliers de pensionnés concernés qui auraient droit pour chaque génération à ce minimum! Le même ministre s’est ridiculisé davantage en osant ensuite prétendre que c’était une réforme »de gauche», pendant que la 1èere ministre était obligée elle d’avouer que contrairement à ce qu’elle osait dire, cette réforme était un désavantage supplémentaire pour les femmes… Mais déjà le cadre de présentation de cette réforme participait de cette absence de transparence : l’allongement de 62 à 64 ans a été présenté dans le cadre d’un projet de loi rectificative sur le budget de la sécurité sociale, et pour de nombreux constitutionnalistes, c’est une marque de »manque de sincérité» qui pourrait rendre cette mesure inconstituionnelle, sans oublier les autres aspects à la limite de l’illégalité, à savoir le recours à plusieurs articles »monarchistes» ou golpistes de la constitution française (»le coup d’état permanent» selon Mitterrand … avant qu’il s’en accommode une fois élu président!), qui ont empêché un débat de fond et un vote du parlement. Jamais peut-être le caractère anti-démocratique de la 5ème République n’est-il apparu aussi clairement, et c’est un événement politique majeur qu’avoir vu se produire les plus grosses manifs (3,5 millions dans les rues) au lendemain de l’adoption de la loi grâce à un des articles »tyranniques», le fameux 49.3, qui n’est pas le seul en cause dans toute la procédure. Du coup, la proposition de Mélenchon sur la 6ème République ou celle du NPA sur la nécessité d’une assemblée constituante prennent-elles un caractère de plus en plus concret.

Le pouvoir étant de plus en plus isolé, Macron a donc eu recours à un moyen à la base de la constitution gaulliste : la répression du mouvement ouvrier. Après une phase de relative discrétion -pour marquer le changement avec les méthodes fascisantes du précédent préfet de police- le nouveau préfet, évidemment sur consigne politique face au maintien et au renforcement des mobilisations, a lâché ses policiers suréquipés et surarmés. Malgré les nombreuses blessures intervenues, malgré une véritable mise en scène de guerre à l’occasion d’une manifestation écologique, les manifestations continuent, et exigent désormais la dissolution de quelques équipes de policiers ultra violents (et pour beaucoup d’extrême-droite) voire la démission du ministre de l’intérieur, Darmanin, ancien de l’extrême-droite monarchiste qui se prend pour Sarkozy et rêve de devenir calife à la place du calife! Cette répression apparaît surtout comme un aveu de faiblesse, ce qui inquiète d’autant une partie de la bourgeoisie, et quand Darmanin commence à menacer non seulement ce qu’il appelle »ultra gauche» (Mélenchon!) mais aussi la Ligue des Droits de l’Homme- créée fin 19ème siècle en défense du capitaine Dreyfus-, même des proches de Macron se sentent publiquement gênés.

Un premier résultat de la période est cinglant pour le projet de Macron : un sondage vient d’indiquer que si l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui, la fasciste Marine Le Pen gagnerait au second tour avec 54% des voix exprimées. Rien d’étonnant à cela : toute la gauche syndicale et politique prévient Macron qu’il joue avec le feu et que le parti de Le Pen, totalement absent sur la question des retraites, pourrait paradoxalement profiter de la situation. Mais comme le rappelait récemment Olivier Besancenot citant Daniel Bensaïd, le temps politique peut différer du temps social, et la gauche aujourd’hui encore perçue avant tout comme celles des politiques libérales de Jospin (avec Mélenchon ministre…) et de Hollande pourrait demain retrouver une crédibilité politique. Pour cela, une condition : il est crucial de gagner sur la question des retraites. Et déjà, comme le propose le NPA, il est important que se rencontrent les gauches sociale, associative, politique, afin de discuter sur ce que pourrait être un projet de gauche qui n’ait rien à voir avec les expériences et les échecs antérieurs. Mais donc, l’urgent est la victoire des mobilisations!

Un mouvement qui a déjà en grande partie gagné!

Comme on l’a vu, ce mouvement se distingue des précédents -que ce soit ceux sur les retraites en 2010 ou en 2019 ou les Gilets jaunes- par une politisation de masse face aux mensonges et aux prétentions anti-ouvrières du gouvernement, qu’on peut voir fleurir et dans les slogans et dans certaines formes d’organisation du mouvement. Ainsi, un des slogans les plus populaires est-il un jeu de mots »historique» : « Tu nous mets 64, on te met (=mai) 68!», établissant ainsi un lien avec la plus grande grève ouvrière en France. La force de la mobilisation, ce sont les chiffres des manifestations lors des 11 journées nationales organisées depuis la mi-janvier, avec en particulier la multiplication de manifs dans des petites villes, dont certaines n’avaient jamais vu de manifs, et d’autres ont commencé seulement à la 11ème journée nationale, preuve de l’enracinement du mouvement qui inquiète le pouvoir et ses députés macronistes, obligés de rendre des comptes dans leurs circonscriptions locale. Mais il ne faut surtout pas oublier la très riche activité quotidienne de protestation dans de nombreux endroits : blocages de routes, de gares, de raffineries, et désormais la jeunesse scolarisée dans le mouvement, avec blocage de lycées, parfois occupations de facultés…

Un des facteurs déterminants pour le succès de ce mouvement, c’est l’unité entre les différents syndicats, qui ont tous pour mandats le refus des 2 années supplémentaires. Cela ne gomme en rien le caractère profondément réformiste des directions syndicales qui ont comme culture stratégique de refuser le plus souvent l’épreuve de force, mais même si le dirigeant de la CFDT (1er syndicat en France) aurait aimé »négocier» avec Macron, il est tenu par le vote ultra majoritaire de son congrès sur le NON à l’allongement des années de travail. De même à la CGT, malgré des discours assez sectaires de quelques-uns lors du récent congrès, l’unité contre les 64 ans a été réaffirmée. On a du mal à imaginer en Grèce l’importance de cette unité sur la revendication pour donner confiance aux mobilisations, alors que tout a été fait par le pouvoir pour essayer de diviser, de casser. Entendre Laurent Berger (CFDT) dire qu’aujourd’hui face à l’obstination de Macron il y a un problème de »démocratie sociale» montre à quel point ce mouvement est avancé : car un tel constat pose pour la suite la question du »alors, que faire?»! Une conséquence positive est aussi d’ores et déjà une reprise de la syndicalisation, dans un pays où le taux de syndiqué-e-s est assez faible.

Par contre, ce qui est évident et pose problème, c’est la quasi absence d’auto-organisation jusqu’à maintenant : toutes les actions entreprises sont le fait de décisions syndicales, et non pas d’AG syndiqué-e-s / non syndiqué-e-s. Les quelques AG tentées jusqu’à aujourd’hui, par exemple dans l’Education Nationale, ont vu se réunir quelques dizaines de grévistes maximum, qui plus est se connaissant toutes et tous de par les réseaux politiques. Le grand problème reste l’absence actuelle de vraies grèves reconductibles : celle appelée centralement pour le 7 mars, certes pas de la manière la plus convaincante, a donné très peu de résultats, et les grévistes dans certains secteurs (raffineries, trains…) refusent d’être les grévistes pour l’immense majorité qui ne ferait pas grève reconductible. A cela, plusieurs facteurs : les difficultés financières, malgré le soutien aux caisses de grève, mais aussi le poids des défaites antérieures, sans compter le contexte politique avec une gauche restant assez divisée entre par exemple la France Insoumise, qui a fait un gros travail d’opposition lors des discussions à l’Assemblée, et le Parti Communiste, qui aide de fait le gouvernement en critiquant la NUPES (cadre de regroupement de la gauche parlementaire à grosse majorité LFI)… dont il est membre, et cela pour proposer d’élargir la gauche aux amis de Hollande farouchement libéraux !

Dans ces conditions, l’enjeu n’est évidemment pas le concours au slogan révolutionnaire pour dégager une soit-disant avant garde contre des »directions traitres», au risque évident de recruter des militant-e-s sectaires et surtout très en retrait par rapport à l’évidente politisation générale du mouvement : c’est pourtant ce que font par exemple des groupes sortis du NPA comme les morénistes ou Anticapitalisme et Révolution, dont la stratégie, basée sur la formation d’un secteur radicalisé qui se dégagerait magiquement grâce à l’une incantation abstraite à l’auto-organisation, est en total échec. Le NPA, dont la place dans la mobilisation est souvent saluée, propose pour sa part d’agir dans le mouvement en liant l’importance de maintenir l’unité à la base et au sommet et la construction patiente de formes d’auto-organisations, qui auront leur rôle à jouer pour une suite de mouvement qui ne peut pas être simplement la répétition de journées nationales de manifs. Une proposition du NPA devrait être de plus en plus discutée : celle d’une manif nationale à Paris. Elle prendra certainement tout son sens en fonction de la réponse attendue vendredi 14 du Conseil Constitutionnel sur la légalité de la loi adoptée en hold-up sur le parlement par Macron et Borne. Dans tous les cas, le combat continue!

Christos Ionas

11 Avril 2023

[Το ίδιο στα ελληνικά]


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