France : vers un « NPA, révolutionnaire et unitaire »


[le même en grec]

par Christian Ionas, 14/1/2023

Après le 5ème congrès, vers un retour aux sources pour le NPA, révolutionnaire et unitaire

Dans son édition du 1er janvier, le journal Prin a donné le point de vue sur le congrès du NPA du camarade Manos Skoufoglou-dirigeant de OKDE Spartakos, un des deux groupes de la IVème Internationale en Grèce, l’autre étant TPT avec des militant-e-s historiques de la IV dans le pays.

L’affrontement de classes exige un programme anticapitaliste

C’est certes le droit le plus strict du camarade Manos de livrer pour les fêtes un conte de fées sur le congrès avec d’un côté les méchants droitiers de la direction du NPA et de l’autre les gentils révolutionnaires qui auraient sauvé le congrès… Mais disons-le : militant de la LCR puis du NPA et surtout de la IVème Internationale, ça fait longtemps que je ne crois plus aux contes de fées, et je pense plutôt comme Lénine que les faits sont têtus. Ce texte est donc destiné à être publié dans Prin, comme expression du courant hier et aujourd’hui majoritaire du NPA, et j’aimerais pouvoir revenir ici sur 3 faits, avec cependant un préalable : si j’étais moi aussi sectaire, je pourrais facilement à mon tour qualifier les fractions minoritaires de réactionnaires et bureaucratiques, et même produire des preuves ! Mais ça fait longtemps que le débat politique à gauche a dépassé ce jeu infantile des caractérisations qui continue pourtant à appauvrir le débat politique dans une partie de l’extrême-gauche, chaque nouveau petit groupe se voulant plus révolutionnaire que le voisin. Pour ma part, je considère que la rupture intervenue lors du congrès et qui amène le NPA à se séparer des fractions qui l’entravaient est une étape d échec dans la construction d’un parti anticapitaliste, qui avait connu un début très prometteur. Néanmoins, pour que le NPA puisse se relancer, cette séparation était devenue inévitable, de par le refus des fractions de construire un véritable parti révolutionnaire, c’est à dire déterminant pour la lutte de classes.

1- Retour sur le congrès

Pour avoir suivi et la préparation du congrès et les étapes de son déroulement, je formulerai ici quelques rappels :

  • A. Les 43 AG électives à travers le pays ont permis d’élire 13 délégué-e-s (6,2%) pour la plate forme A, formée de militant-e-s ayant joué un rôle important dans l’orientation à gauche des Gilets Jaunes et n’ayant aucune sympathie pour les fractions qui n’avaient rien compris au potentiel de cette lutte [note 1 : La Plate-forme A s’est réunie le 14 janvier. Elle a tout d’abord renouvelé ses désaccords avec les deux autres plates-formes, mais a ensuite constaté qu’il lui est impossible de fonctionner avec les fractions (Plate Forme C). Aussi, du fait qu’elle est en accord avec la Plate-Forme B sur des points importants, elle a décidé d’ »entrer dans l’organisation issue de la Plate Forme B», c’est à dire de renforcer l’initiative de redémarrage du NPA, tout en gardant ses positions de tendance. Ainsi, le NPA continue sur la base d’environ 55% des votes exprimés.].
  • B. Pour la Plate Forme B (courant de la majorité historique), 48,5% et 102 délégué-e-s, et
  • C. pour la Plate Forme C (4 Fractions unies contre la majorité), 45,3% et 95 délégué-e-s.

L’ordre du jour du congrès avait été décidé en commun, mais un point important doit être relevé, curieusement absent du texte de Manos : une commission paritaire avait été mise en place, proposée par des camarades du sud-ouest de la France, afin que le congrès se mette d’accord pour que le NPA fonctionne comme parti et non plus comme parti pour une grosse moitié et assemblage de fractions pour l’autre petite moitié. Car sauf pour les naïfs, il était évident depuis plusieurs années que le NPA ne pouvait plus continuer à fonctionner comme il le faisait : les fractions recrutaient sur leurs propres bases, avaient leur trésorerie parallèle et éditaient leur propre presse, ayant surtout comme préoccupation de ne pas être associées aux tâches très prenantes de direction. La situation était devenue absurde dans plusieurs villes comme Rouen : les camarades de la majorité et celles/ceux des fractions militaient complètement séparés! Si dans la majorité, de nombreux militants estimaient que le fossé était devenu trop grand, d’autres camarades délégué-e-s majoritaires venaient au congrès contre l’idée de rupture.

Or, les conclusions de la commission paritaire ont été accablantes: pas question pour les fractions de se dissoudre et de changer leur fonctionnement au mieux avant de très longs mois sinon des années, et pire encore quant à l’irresponsabilité politique de fractions n’ayant jamais eu à diriger un vrai parti révolutionnaire, qui proposaient qu’une semaine, ce soit la majorité qui édite l’hebdomadaire et le tract national, et les fractions la semaine suivante! Autant dire : une tentative d’étouffer complètement le NPA! Cela, plus le ton très agressif des interventions dans les premières séances du congrès ont alors amené la majorité à se réunir et à voter la séparation avec les fractions, par 100 voix (0 contre). J’ai discuté avec un camarade qui m’a indiqué que même s’il était venu avec la volonté de »sauvegarder l’unité», la provocation et la fuite en avant des fractions l’avaient résolu à voter la séparation.

Dès lors (samedi après-midi), le congrès a donc continué sans la plate Forme C, la A choisissant elle de se réunir à part. Le dimanche ont été adoptés différents textes dont celui intitulé »Unitaire et révolutionnaire, un NPA utile face aux ravages du capitalisme» et la motion sur l’orientation féministe. Le congrès s’est achevé avec la déclaration »Nous continuons le NPA, pour un parti des exploités et des opprimés, révolutionnaire et unitaire’‘, et un Comité Politique National paritaire a été élu.

2- Des divergences politiques fondamentales

Au-delà des blocages sur le fonctionnement -et donc sur la conception du parti révolutionnaire, les fractions ne se concevant au fond chacune que comme noyau auto-proclamé du parti révolutionnaire et profitant tranquillement de l’audience du NPA pour tenter de grossir leurs noyaux respectifs et concurrentiels-, ce qui devenait invivable était l’incompréhension profonde des fractions sur des enjeux fondamentaux de la lutte de classe aujourd’hui.

Recension très rapide et partielle : pour la majorité historique, le combat antifasciste et le féminisme sont partie intégrante de la lutte des classes, alors que les fractions les considèrent comme secteurs marginaux. Avec une Le Pen étendant son influence auprès des travailleurs, il est pourtant évident que faire prendre en charge la lutte antifasciste par les organisations ouvrières est fondamental. Le travail syndical reste pour la majorité central, au même titre que l’auto-organisation, et cela parce que l’objectif reste évidemment, face aux ravages du capitalisme, de préparer la grève générale insurrectionnelle, dont on sait en même temps qu’elle ne se décrètera pas par des slogans mais par une accumulation d’expériences et de ruptures, et surtout d’un mouvement de fond pour l’unité de la classe, ce dont se contrefichent royalement les fractions.

Concernant la gauche française, le NPA n’a pas peur pour sa part de discuter avec la France Insoumise ou même le regroupement de toute la gauche réformiste Nupes, et c’est un fait politique à ne pas négliger qu’en France la gauche réformiste soit aujourd’hui menée par le courant antilibéral plutôt que par le courant affairiste du PS. Discuter et agir ensemble quand c’est possible, voilà l’orientation du NPA, et face aux mensonges qui circulent, il faut rappeler que »cette politique est menée en toute indépendance et n’implique ni de rejoindre la France Insoumise ni une dilution de l’organisation dans le cadre de la NUPES» (résolution du congrès).

Juste un retour sur la campagne présidentielle, boudée jusqu’à assez tard par les fractions : la campagne de notre candidat Philippe Poutou , ouvrier dirigeant syndical licencié de Ford, a connu une très forte participation aux meetings, et même si beaucoup déclaraient vouloir voter Mélenchon au 1er tour, un mot d’ordre beaucoup entendu a été »Mélenchon dans les urnes, Poutou dans la rue!». Il faut dire que pour des millions de travailleur-euses et de jeunes, la perspective d’un second tour Macron-Mélenchon ouvrait des perspectives autrement enthousiasmantes que celui, acquis de très peu, de Macron contre Le Pen… Sauf si on pense qu’une victoire alors possible de Mélenchon (2) n’aurait rien changé à la situation politique!

[note 2 : Au premier tour de l’élection présidentielle, la victoire de Mélenchon sur Le Pen aurait été assurée si le PCF n’avait pas présenté comme candidat son secrétaire général, Fabien Roussel. Que se serait-il passé en cas de second tour Macron / Mélenchon? Il n’est pas certain que Macron l’aurait emporté, il y aurait pu avoir contre Macron afflux d’électeurs/trices de Le Pen au 1er tour, situation possible du fait que de nombreux/euses travailleur / euses avaient malheureusement voté pour la fasciste. Mais surtout, l’enjeu nouveau d’une victoire de Mélenchon aurait à coup sûr mobilisé bien des centaines de milliers ou des millions d’abstentionnistes du 1er tour, qui étaient sûrs d’un second tour sans intérêt entre Macron et Le Pen.]

3) Nécessité du parti anticapitaliste

Aussi bien le camarade Manos qu’A.Davanellos, dans un intéressant article, semblent regretter la dissolution de la LCR pour laisser la place au NPA en 2009. C’était ma position à l’époque, mais avec le recul, je crois que la décision et le projet étaient tout à fait justifiés. Certes, un bilan collectif sera à tirer, pour revenir sur les erreurs (triomphalisme du »parti des 10000» pendant que se développaient le Parti de Gauche puis la France Insoumise; volonté erronée de l’ancienne LCR de laisser la direction aux »nouveaux»; entrée de sectes comme le courant »argentin» des CCR dénonçant la IVème Internationale, ou de la fraction L’Etincelle; pas de plan de formation pour les nouveaux et en particulier les jeunes, malgré le succès des universités d’été, etc.).

Il n’empêche : le lancement du NPA correspondait à une nécessité historique, basée sur la confiance de nombreuses et nombreux collègues de travail ou de jeunes envers les ex-militant-e-s de la LCR pour proposer des actions radicales à vocation de masse et donc pour passer à une étape supérieure. Pour diverses raisons, dont celles citées ainsi que le maintien paralysant des fractions, le NPA a assez vite été frappé de paralysie puis de recul militant. L’enjeu désormais, c’est de renouer avec l’esprit de ces premières années, avec un atout hérité de la LCR et qui pourrait être un des piliers de la relance : le parti révolutionnaire, c’est aussi l’intellectuel collectif, sur lequel insistaient aussi bien nos camarades Bensaïd que Krivine. Le NPA regroupé autour de sa majorité héritière de la légitimité historique de la LCR et des combats du NPA, s’inscrit dans ce sillon.

Et quelles que soient les difficultés de l’actuelle situation, on peut espérer un redéveloppement du NPA enfin débarrassé de fractions qui peut être reviendront un jour au parti révolutionnaire si elles abandonnent leur actuelle orientation. D’ores et déjà, on constate des retours de camarades qui nous avaient quittés, dégoûtés par la violence imposée au débat interne par les diverses fractions. Rien n’est joué, mais les échanges militants le prouvent : un nouvel élan militant se dessine, qui pourra prendre en compte le meilleur de notre histoire politique. Et le premier test est déjà là : face au projet de Macron de casser davantage le droit à la retraite, la gauche se prépare à une riposte unitaire, dans le cadre d’un front unique pour lequel le NPA, sur ses propres positions, joue déjà un rôle important.

Christian Ionas

14/1/2022

[Publié dans « Prin » le 28/1/2022 et repris par TPT-  « 4 »]

[le même en grec]


https://tpt4.org/?p=8339

Σχολιάστε

Εισάγετε τα παρακάτω στοιχεία ή επιλέξτε ένα εικονίδιο για να συνδεθείτε:

Λογότυπο WordPress.com

Σχολιάζετε χρησιμοποιώντας τον λογαριασμό WordPress.com. Αποσύνδεση /  Αλλαγή )

Φωτογραφία Twitter

Σχολιάζετε χρησιμοποιώντας τον λογαριασμό Twitter. Αποσύνδεση /  Αλλαγή )

Φωτογραφία Facebook

Σχολιάζετε χρησιμοποιώντας τον λογαριασμό Facebook. Αποσύνδεση /  Αλλαγή )

Σύνδεση με %s